Projet Simandou lancé : où en est le contenu local guinéen après la phase de construction ?

Ce mardi 11 novembre 2025, le TransGuineen a émis ses premiers sifflements. Après plus de 2 décennies d’attente et d’incertitudes, le plus grand projet minier d’Afrique de l’ouest entre enfin dans sa phase d’exploitation.

Selon les chiffres officiels, plus de 20 milliards usd ont été injectés dans la phase de construction du projet Simandou. Un montant vertigineux, sans équivalent dans l’histoire économique de la Guinée. Pourtant, à l’heure où les trains se mettent en marche et où les projecteurs se braquent sur le « succès » industriel du siècle, une question legitime et  essentielle s’impose  celle de savoir : qu’est ce que cette phase de construction a réellement produit pour l’économie guinéenne ?

Car au-delà des images spectaculaires de rails, de ponts et de ports flambant neufs, il faut regarder derrière le décor. Les infrastructures existent, certes, mais :

-Quelle trace ont-elles laissée dans le tissu économique national ?

-Quelle part de ces milliards est réellement restée dans le pays ?

-Combien d’entreprises guinéennes ont obtenu des contrats ?

-Combien d’emplois durables ont été créés ?

-Quelles expériences de transfert de compétences ou de technologies ont véritablement pris racine ?

-Et surtout, combien d’unités industrielles locales ont vu le jour grâce à ce chantier d’envergure ?

Autant de questions qu’aucun rapport officiel n’a, pour l’instant, clairement éclairées. Ces interrogations ne relèvent pas de la curiosité, mais d’un impératif national. Car sans données précises et vérifiables, il est impossible d’évaluer si les ambitions de contenu local ont été tenues ou simplement reléguées au second plan au profit de la rapidité d’exécution et des contraintes techniques.

L’enjeu n’est pas seulement économique, il est aussi politique et social car la part de richesse réellement captée par le pays conditionne sa capacité à transformer ses ressources en développement durable.

En observant le déroulement du projet, on constate que le rythme effréné de mise en œuvre a souvent dépassé le niveau de préparation de notre économie réelle. Nos PME, pour la plupart, n’étaient ni structurées, ni financées, ni techniquement prêtes à intégrer les chaînes d’approvisionnement d’un projet de cette ampleur. Notre système bancaire, prudent et peu tourné vers le financement productif, n’a pas su offrir le souffle nécessaire aux entreprises nationales désireuses de participer. Comme resulat, les opportunités les plus importantes ont été captées par des sous-traitants étrangers déjà aguerris, laissant les acteurs locaux en périphérie du développement.

À présent que la phase d’exploitation s’ouvre, il devient urgent de dresser un véritable bilan de la construction, pas pour désigner des coupables, mais pour corriger les failles. Il s’agit de comprendre, chiffres à l’appui, ce qui a fonctionné, ce qui a échoué et ce qui doit être réinventé. L’objectif de cet exercice est de bâtir une stratégie de contenu local réaliste, structurée et mesurable, capable d’inscrire durablement les entreprises guinéennes dans la chaîne de valeur du projet Simandou.

Cela passe par une meilleure intégration progressive des PME locales, un accompagnement soutenu du capital humain et technique, une fiscalité incitative à l’investissement industriel, et surtout une meilleure synergie entre le secteur minier et le système financier national. Sans cette cohérence, les milliards continueront de circuler sans véritable ancrage local, comme un vent économique qui souffle, impressionne, puis s’éteint sans effet durable.

La Guinée n’a pas besoin seulement de grands projets , elle a besoin de grands impacts. Ce n’est qu’en transformant les investissements en emplois qualifiés, en compétences transférées, et en entreprises compétitives que Simandou pourra devenir un moteur de prospérité partagée; et non un simple couloir par lequel passent les capitaux étrangers.

En somme, l’heure n’est plus à l’autosatisfaction, mais à l’évaluation lucide. Car un pays qui ne mesure pas ses retombées court le risque d’être spectateur de sa propre croissance.

 

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