La Guinée debout vers un avenir numérique.
official banner, Transform Africa Summit 2025, Conakry
Longtemps célébrée pour sa richesse du sous-sol, la Guinée s’engage aujourd’hui dans une transformation ambitieuse, celle de passer d’une économie extractive à une économie fondée sur les compétences et la technologie. Le Transform Africa Summit 2025, tenu à Conakry du 10 au 14 novembre, a mis en avant cette orientation avec la présentation de l’Axe III du programme Simandou 2040, entièrement dédié au numérique.
Sachant qu’une croissance durable ne peut reposer uniquement sur la rente minière, la nouvelle ambition du pays est de former, équiper et connecter la population pour bâtir une souveraineté numérique. Les autorités insistent sur le rôle transformateur de Simandou, au-delà de la simple dimension industrielle.
Toutefois, il est légitime de s’interroger si ces initiatives sont-elles suffisantes pour dépasser la dépendance historique aux matières premières et éviter que la numérisation ne bénéficie qu’à une minorité urbaine et connectée ?
Les infrastructures se multiplient avec plus de 12000km de fibre optique, un centre de données national Tier III, un second câble sous-marin en cours de raccordement et plus de 500 écoles connectées via le programme GIGA. Une technopole de 20 hectares émerge à Sonfonia pour attirer jeunes entreprises et investisseurs. Ces progrès sont impressionnants sur le papier, mais leur exploitation effective et leur durabilité restent des défis qui pourraient ralentir la transformation promise.
La priorité est donnée à l’humain avec des programmes comme le R-CUN, qui a formé plusieurs centaines de femmes à l’usage d’outils numériques pour développer leurs activités à domicile. L’objectif est d’accompagner 1 500 femmes cette année. Les start-ups ne sont pas en reste avec plus de 300 ont candidaté au Sweden Grand Prix, et 4 ont été primées à Genève l’an dernier. Ces réussites montrent un potentiel d’innovation guinéenne, mais elles interrogent sur la capacité à créer un écosystème durable et inclusif, capable de dépasser les succès isolés.
L’Axe III de Simandou 2040 prévoit 12 projets pour un investissement estimé à 3,4 milliards de dollars, visant à bâtir une économie numérique solide, améliorer les services publics et développer une intelligence artificielle adaptée au contexte africain. Le cadre institutionnel modernisé, avec des agences dédiées à la digitalisation, à la cybersécurité et à l’inclusion numérique (ANDE,ANSUTEN etc), ainsi que les incitations aux investisseurs, semble structuré. Néanmoins, la complexité administrative, la corruption et la lenteur des projets publics sont des défis qui pourraient fragiliser ces ambitions.
Les premiers résultats affichent plus de 200 services publics dématérialisés et un taux de pénétration mobile dépassant 100 %. La croissance du secteur numérique est annoncée pour passer de 4 % du PIB à près de 20 % d’ici 2040. Ces chiffres impressionnent, mais il reste à observer si cette croissance sera réellement inclusive et durable, ou si elle renforcera seulement un cercle restreint d’acteurs.
En somme, la Guinée montre une volonté de ne plus subir l’avenir mais de le construire. Le pays cherche à dépasser l’extraction pour créer, innover et se projeter dans le numérique. Pourtant, derrière ce tableau ambitieux, la prudence s’impose car les promesses doivent encore se traduire en résultats concrets, et la vigilance est nécessaire pour que cette transformation ne reste pas une vision, mais devienne une réalité tangible pour l’ensemble de la population.